La révélation du « Made in China » dans le luxe : analyse juridique, commerciale et stratégique
("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !) Des influenceurs chinois diffusent sur TikTok des vidéos tournées dans des usines chinoises (gauche) qu’ils présentent comme fabriquant des articles de luxe vendus sous de grandes marques (exemple à droite : un sac Hermès Kelly authentique). Ces vidéos virales prétendent dévoiler les « secrets » du luxe en exhibant la fabrication de produits similaires à ceux de Hermès, Louis Vuitton ou Gucci en Chine, tout en soulignant l’écart énorme entre le coût de production local et le prix de vente occidental (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China ») (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China »). Elles affirment par exemple qu’un sac Hermès vendu 10 000 $ coûterait seulement 1 000 $ à produire en Chine, avant que la marque n’appose son logo et ne multiplie le prix (La Chine dévoile les secrets des produits de luxe sur TikTok, les internautes réagissent) (La Chine dévoile les secrets des produits de luxe sur TikTok, les internautes réagissent). Ce phénomène, encouragé par certains créateurs de contenu se présentant comme des experts en approvisionnement, incite les consommateurs à acheter directement « à la source » en Chine via des canaux non officiels, souvent assimilés à de la contrefaçon ou au marché gris (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China »).
Partie 1 – Les acheteurs face aux canaux parallèles chinois
Risques juridiques pour les acheteurs occidentaux : Pour les consommateurs d’Europe ou d’Amérique du Nord, acquérir ces articles via des canaux non officiels comporte des risques légaux sérieux. En effet, si les produits en question portent illicitement le nom ou le logo d’une marque sans son autorisation, ils sont légalement considérés comme des contrefaçons – même s’ils proviennent prétendument de la « même usine » que les originaux. La contrefaçon se définit comme la reproduction ou l’imitation d’un produit de marque sans autorisation (Risque de contrefaçons lors d'un achat en ligne en Europe). En d’autres termes, un sac utilisant le motif ou le sigle Chanel sans accord de Chanel sera une contrefaçon, que sa qualité soit médiocre ou élevée. D’après un article de presse spécialisé, les sacs présentés dans ces fameuses vidéos proviennent en réalité d’usines chinoises qui ne fabriquent pas pour les grandes marques : ce sont des produits pingti, c’est-à-dire des imitations de très haute qualité fabriquées avec des matériaux similaires à ceux du luxe – « en un mot, des contrefaçons » ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !).
Contrefaçon ou marché gris ? Il convient de distinguer la contrefaçon du marché gris. Le marché gris désigne la vente par des circuits non officiels de marchandises authentiques (par exemple un vrai sac Louis Vuitton acheté hors réseau et revendu sans autorisation du fabricant). Ici, toutefois, les influenceurs chinois ne proposent généralement pas des surplus authentiques, mais bien des copies non autorisées. Même lorsqu’ils prétendent vendre « le même sac sans le logo » pour éviter de parler de contrefaçon (La Chine dévoile les secrets des produits de luxe sur TikTok, les internautes réagissent) (La Chine dévoile les secrets des produits de luxe sur TikTok, les internautes réagissent), ces imitations peuvent enfreindre d’autres droits (dessins et modèles déposés, aspects distinctifs du produit, etc.). Dans la pratique, la frontière est mince : un article fabriqué dans la même usine que la marque mais écoulé sans autorisation est considéré comme un produit non conforme et contrefaisant s’il utilise les marques déposées de l’enseigne. Les autorités françaises soulignent ainsi que « l’achat de produits contrefaits est sanctionné en France (délit pénal) comme dans les pays de l’Union européenne » (Contrefaçon - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères). De même, les douanes américaines rappellent que « purchasing counterfeit goods is illegal » et que faire entrer de tels produits aux États-Unis peut entraîner des poursuites civiles ou pénales (The Truth Behind Counterfeits | U.S. Customs and Border Protection).
Sanctions encourues par les acheteurs : Les lois occidentales prévoient des pénalités significatives, même pour les particuliers acheteurs de contrefaçon. En France, être trouvé en possession d’un objet contrefait lors d’un contrôle douanier peut déclencher deux types de procédures cumulatives : douanière (saisie puis destruction de la marchandise illicite, avec amende pouvant s’élever jusqu’à deux fois la valeur de l’article original saisi) et pénale (jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende, peines équivalentes à celles prévues pour un vol) (Contrefaçon - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) (Contrefaçon - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères). La douane française précise d’ailleurs qu’une intervention est possible « dès le premier objet de contrefaçon, même s’il s’agit d’un objet porté », le voyageur devant prouver l’origine licite des biens transportés (Contrefaçon - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères). Dans d’autres pays européens, les sanctions sont comparables (par exemple, en Belgique : de 3 mois à 3 ans de prison et 500 € à 500 000 € d’amende selon la gravité (Contrefaçon en Belgique : dangers et sanctions - Test Achats)). Aux États-Unis, la loi vise surtout le trafic de contrefaçons, mais un particulier important un faux sac ou des chaussures de marque s’expose à la confiscation de l’objet et éventuellement à des amendes. En pratique, les douanes américaines interceptent et détruisent de nombreux colis de contrefaçons chaque année, notamment via le commerce en ligne international (90% des saisies de faux à la frontière américaine proviennent de colis postaux ou express liés à des achats e-commerce (The Truth Behind Counterfeits | U.S. Customs and Border Protection)). Ainsi, l’acheteur qui commande un sac « de luxe » à prix cassé sur un site douteux risque de perdre son argent et sa marchandise, et dans certains cas de devoir répondre pénalement de son acte s’il a sciemment enfreint la loi.
Canaux de vente et responsabilité des acheteurs : Les plateformes et mécanismes facilitant ces achats parallèles sont variés. Des sites e-commerce chinois comme DHgate, connus pour proposer des copies de produits de marque, sont souvent mentionnés par les internautes et influenceurs (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China »). Sur TikTok, certains créateurs n’hésitent pas à mettre le lien de leur propre site web dans leur bio pour faciliter l’importation directe depuis des usines chinoises, ou bien proposent un service de commande via WhatsApp (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China »). La vente en direct par live-stream est également un canal en plein essor en Chine (les influenceurs marchands, ou live sellers, y animent des sessions de vente en ligne où tout – y compris des imitations de luxe – peut être écoulé en temps réel). Face à ces circuits proliférants, les consommateurs occidentaux doivent savoir qu’acheter un produit manifestement trop beau marché pour être vrai les place hors du cadre légal. Certes, la répression cible d’abord les vendeurs et fabricants de contrefaçons, mais l’acheteur n’est pas à l’abri : la loi française considère même la simple détention de ces articles comme un délit (Contrefaçon - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères). Dans les faits, un particulier de bonne foi ayant acheté sans savoir une contrefaçon pourra souvent s’en tirer avec la seule confiscation de l’objet (Vous avez acheté sans le savoir une contrefaçon : quels sont les ...), alors qu’un acheteur en toute connaissance de cause, multipliant les commandes, pourrait être poursuivi plus sévèrement. En somme, juridiquement, acheter ces produits via ces canaux parallèles équivaut à acheter de la contrefaçon, avec toutes les conséquences que cela implique pour l’acheteur.
Partie 2 – Enjeux pour les marques de luxe face à ces révélations
Atteinte à l’image de marque et au storytelling : La diffusion massive d’informations sur la fabrication en Chine de produits de luxe ébranle le storytelling patiemment construit par ces maisons. L’ADN du luxe repose en grande partie sur un imaginaire de qualité exceptionnelle, de savoir-faire artisanal local et d’exclusivité. Or, voir sur les réseaux sociaux des usines chinoises revendiquant la production d’articles identiques fait tomber « le mythe d’un luxe 100 % local, 100 % artisanal » ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !). Des vidéos cumulant des millions de vues montrent, images à l’appui, des cartons estampillés de grandes marques ou des ateliers fabriquant des pièces semblables à celles de Cartier ou Swarovski, ce qui choque les internautes et entame la confiance envers ces marques ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !) ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !). Dans les commentaires TikTok, certains consommateurs expriment leur désillusion : « Je savais qu’on payait la marque, mais je pensais qu’il y avait aussi la qualité… Mais en fait non ! », s’étonne l’une, tandis qu’une autre écrit : « On vous a fait croire que si c’était made in China, c’était forcément de mauvaise qualité » (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China ») (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China »). Ce bad buzz peut affaiblir l’aura des marques de luxe, dont le prestige se fonde autant sur la provenance et la tradition que sur le produit lui-même. Même si, en réalité, la plupart des grandes maisons comme celles du groupe LVMH continuent de produire l’essentiel de leurs articles en France ou en Italie conformément aux critères du Made in France/Italy ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !), le simple soupçon d’une fabrication cachée en Chine peut entamer le capital de marque. On l’a vu par exemple dans les années 2010 avec des polémiques ponctuelles sur certaines pièces de luxe fabriquées en Asie : à chaque fois, les marques ont dû redoubler d’efforts de communication pour rassurer leur clientèle sur le maintien d’un artisanat authentique (par exemple, Burberry avait subi une controverse en 2008 en délocalisant partiellement sa production de trench-coats, ce qui avait entraîné un tollé et un retour en grâce du Made in England dans sa communication).
Impact sur la perception du prix et exclusivité : Le luxe justifie ses prix élevés par la rareté, la qualité des matériaux et le temps de travail expert nécessaire à la confection. Si le public en vient à penser que ces produits sortent en réalité de lignes de production industrielles à bas coût, la stratégie de prix des marques pourrait en souffrir. Savoir qu’un sac vendu 3 000 € coûterait en réalité 500 € à l’usine (chiffre avancé dans les vidéos virales ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !)) rend le consommateur moins enclin à accepter la marge exorbitante sans broncher. Le danger pour les marques, c’est une banalisation de leurs produits : si « tout le monde » peut acheter le même ou son équivalent pour quelques centaines d’euros sur Internet, l’objet perd de son exclusivité. Cette érosion de l’exclusivité, alimentée par les pingti (imitations de haute facture sans logo), est perçue comme une nouvelle menace pour le secteur du luxe (Les "pingti", nouvelle menace pesant sur le luxe en Chine - FashionNetwork France). Un rapport d’audit cité par FashionNetwork note que la prolifération d’imitations de qualité comparable, dépourvues de logos, remet en cause l’exclusivité qui fait le succès des articles haut de gamme et pourrait freiner la croissance des maisons de luxe, notamment en Chine (Les "pingti", nouvelle menace pesant sur le luxe en Chine - FashionNetwork France). En Chine justement, où le prestige d’un sac de marque n’est plus le seul critère d’achat, les consommateurs – notamment jeunes – adoptent une approche plus rationnelle en cherchant des alternatives meilleur marché pour un rapport qualité/prix jugé plus raisonnable (Les "pingti", nouvelle menace pesant sur le luxe en Chine - FashionNetwork France) (Les "pingti", nouvelle menace pesant sur le luxe en Chine - FashionNetwork France). Une telle évolution peut pousser certains clients occidentaux également à s’interroger : suis-je prêt à payer 10 fois plus cher un produit s’il en existe une version équivalente sans logo ? Le risque de cannibalisation par les marchés parallèles et imitations est donc bien réel, tant pour le chiffre d’affaires que pour la perception du luxe.
Réponses juridiques possibles des marques : Face à ces défis, les marques de luxe disposent de plusieurs leviers juridiques. D’une part, elles peuvent poursuivre en justice les fabricants et vendeurs de contrefaçons. Les grandes maisons engagent régulièrement des actions contre les plateformes en ligne proposant des copies de leurs produits. Par exemple, Hermès, Chanel, Louis Vuitton et consorts travaillent avec les douanes et les tribunaux pour faire saisir les faux et fermer les sites illégaux. Dans le contexte actuel, si certaines vidéos ont effectivement filmé des usines qui seraient sous-traitantes officielles des marques (ou prétendent l’être), les marques pourraient invoquer la violation de clauses de confidentialité. Les contrats avec les fournisseurs incluent généralement des NDA (accords de non-divulgation) stricts interdisant de révéler à des tiers la nature de la production. Toute fuite avérée (images d’une ligne de production identifiable, déclaration publique d’un sous-traitant qu’il fabrique pour une marque de luxe) expose ce sous-traitant à des sanctions contractuelles, voire à la rupture du contrat. D’autre part, les maisons de luxe peuvent intensifier la lutte anti-contrefaçon de manière globale : surveillance des marketplaces, coopération avec les autorités pour repérer les importations suspectes, et actions judiciaires exemplaires contre les réseaux organisés. On assiste ainsi ces derniers temps à une judiciarisation croissante face aux géants de la mode rapide qui facilitent la diffusion de copies : en février 2025, la marque au crocodile Lacoste a assigné le géant chinois Shein devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme (France : Lacoste sues Shein in Paris court - 06/02/2025 - Glitz). De même aux États-Unis, Shein fait l’objet d’un retentissant procès en nom collectif ; des designers l’accusent d’avoir copié leurs créations de manière si systématique que cela constituerait une entreprise de racket (plainte sous l’angle du RICO Act) (Shein lawsuit accuses fast-fashion site of RICO violations - CBS News). En ciblant ainsi juridiquement les maillons faibles (fournisseurs indélicats, plateformes complaisantes, concurrents peu regardants), les marques cherchent à décourager la diffusion des copies et à protéger leur propriété intellectuelle.
Stratégies commerciales et communicationnelles des marques : Sur le plan commercial, certaines maisons pourraient revoir leur stratégie industrielle pour préserver leur image. Cela peut passer par une relocalisation partielle de la production. Si une marque constatait qu’un article clé (par exemple un sac iconique) souffre d’être associé à du « made in China » dans l’esprit du public, elle pourrait décider de rapatrier une plus grande part de sa fabrication en Europe, ou de mieux mettre en avant la part locale déjà existante. On peut s’attendre à ce que les grandes marques renforcent la traçabilité et la communication autour de l’origine de leurs produits. Par exemple, elles peuvent communiquer sur le fait que pour obtenir le label Made in France, au moins 50% du coût de revient doit être acquis en France ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !) – garantissant ainsi que la majeure partie du travail est bien réalisée localement. Plusieurs enseignes ont déjà commencé à ouvrir leurs ateliers au public via des vidéos officielles ou des journées portes ouvertes, montrant les artisans au travail en Italie, en France ou en Espagne, afin de renforcer le storytelling sur l’authenticité. En cas de crise médiatique avérée (reportage grand public ou indignation sur les réseaux), une communication de crise pourrait consister à démentir les informations fausses – comme l’a fait la presse avec les vérifications détaillées prouvant que la fameuse usine « Hua Shili » citée sur TikTok n’existe pas et qu’aucun scandale réel n’a éclaté côté marques ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !) ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !). Les marques pourraient appuyer ces démentis en fournissant des données transparentes (pourcentage de fabrication locale, contrôle qualité strict, etc.) et en rappelant que si elles font appel à des fournisseurs asiatiques, ce n’est que pour des composants secondaires ou des matières premières spécifiques, jamais pour l’intégralité d’un produit de luxe fini. Enfin, sur le terrain marketing, les marques de luxe vont sans doute redoubler d’efforts pour valoriser l’exclusivité intangible qu’aucune copie ne peut reproduire : l’expérience en boutique, le service sur mesure, la garantie et l’entretien, l’histoire centenaire de la maison, toutes ces choses qui différencient un véritable produit de luxe d’une imitation même bien faite. Le message devra être subtilement amené pour ne pas admettre qu’on répond aux vidéos, tout en rassurant la clientèle sur le fait que leurs achats financent bien un patrimoine artisanal et non une simple marge induite par un logo.
Impact sur d’autres acteurs (Zara, Shein et le phénomène des “dupes”) : Le grand déballage autour du « luxe fabriqué en Chine » a également des répercussions pour les marques qui s’inspirent lourdement du luxe. Des enseignes de fast-fashion comme Zara ou Shein bâtissent précisément leur succès sur la reproduction accélérée des tendances du luxe à moindre coût. Que ces tendances soient en réalité produites dans les mêmes régions ou usines accentue un fait : ces acteurs peuvent proposer aux consommateurs des produits ressemblants bien moins chers, sans que ceux-ci aient le sentiment de sacrifier la qualité de fabrication. Sur le plan juridique, tant que Zara ou Shein n’utilisent pas les logos ou les motifs déposés (monogrammes, emblèmes) des maisons de luxe, ils naviguent dans une zone grise de la légalité. Le droit de la mode protège relativement peu les designs : sauf dépôt de modèle ou élément distinctif, un vêtement ou un sac peut être imité librement. C’est ainsi que prospère le marché des “dupes” – ces copies assumées d’articles de luxe vendues sous une autre marque – un terme édulcoré qui a envahi les réseaux sociaux au point de remplacer des mots plus négatifs comme « copie » ou « contrefaçon » dans le discours des influenceuses mode. Toutefois, la frontière peut être franchie : lorsque la copie est trop proche ou qu’elle induit une confusion, les géants du luxe n’hésitent plus à attaquer. L’exemple de Lacoste vs Shein en France en 2025 l’illustre, tout comme l’action de Louboutin il y a quelques années pour faire reconnaître la semelle rouge de ses escarpins comme marque distinctive (et empêcher ainsi d’autres marques de chaussures d’arborer une semelle rouge laquée). De plus, l’idée que Zara ou d’autres puissent faire produire leurs « dupes » dans les mêmes usines que le luxe dérange forcément les maisons haut de gamme : si cela se produit, c’est souvent par la déloyauté d’un sous-traitant qui profite de son savoir-faire pour servir deux maîtres. Les contrats de sous-traitance tentent de prévenir cela, mais la tentation est forte pour un fabricant d’utiliser les mêmes lignes de production la nuit pour un client différent. Une société comme Sitoy Group en Chine, qui fabrique des articles de maroquinerie pour des marques de luxe, a par exemple publiquement vanté que ses propres sacs à 100 € sortaient « des mêmes lignes de production qui fabriquent ceux de marques de luxe comme Prada, Tumi et Michael Kors » (Les "pingti", nouvelle menace pesant sur le luxe en Chine - FashionNetwork France). De telles déclarations brouillent la frontière entre produit officiel et copie et posent des problèmes juridiques (violation de clauses d’exclusivité, contrefaçon de modèles déposés, etc.). Les marques concernées peuvent être amenées à réagir fermement : enquête interne, cessation de la relation d’affaires avec le fournisseur fautif, ou action légale pour faire cesser la production des articles litigieux. Par ailleurs, le succès du phénomène dupe met une pression concurrentielle sur les marques de luxe : si une robe Balmain est immédiatement dupliquée chez Zara pour 1/20e du prix, une partie de la clientèle potentielle du luxe pourrait se détourner vers ces alternatives. Jusqu’ici, le luxe a survécu à ces copies en misant sur sa désirabilité intacte – porter le vrai Chanel ou la vraie Rolex procure un statut que ne donne pas l’imitation. Mais à l’ère des réseaux sociaux, où l’apparence l’emporte parfois sur la connaissance du produit, la prolifération de copies indistinguables peut diluer ce prestige.
En conclusion, les révélations d’influenceurs chinois sur la fabrication en Chine des produits de luxe – qu’elles soient exagérées ou instrumentalisées – confrontent l’industrie du luxe à un défi multidimensionnel. Les acheteurs tentés par ces canaux parallèles s’exposent à des risques juridiques lourds en traitant ce qui est, aux yeux de la loi, de la contrefaçon. Du côté des marques, l’enjeu est de taille : protéger leur image d’excellence locale, justifier la valeur ajoutée de leur prix, et contrer la montée de produits concurrents non officiels de qualité équivalente. Cela passe par un savant mélange de droit (poursuites, renforcement des contrats), de communication (rassurer sur le véritable lieu et mode de fabrication), et de stratégie (réaffirmer ce qui fait du luxe… le luxe, au-delà du simple objet). Ce phénomène récent rappelle aux maisons de luxe qu’à l’ère de la transparence forcée et de la copie instantanée, le contrôle de la chaîne de valeur et du récit autour du produit est plus crucial que jamais. Elles devront sans doute s’adapter pour continuer à faire rêver, tout en protégeant leur patrimoine et leurs clients des mirages du « luxe bradé » venu d’Internet.
Sources : HuffPost, En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés sur le “Made in China” (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China ») (En pleine guerre commerciale, des vidéos chinoises s’attaquent aux clichés américains sur le « Made in China »); Presse-Citron, “Arrêtez de gober ce qu’on vous dit sur TikTok” (analyse vérifiée du scandale) ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !) ("Arrêtez de gober ce qu'on vous dit sur TikTok" : non, la Chine ne fabrique pas les produits des marques de luxe !); Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (conseils sur la contrefaçon) (Contrefaçon - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) (Contrefaçon - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères); U.S. Customs and Border Protection (The Truth Behind Counterfeits | U.S. Customs and Border Protection); FashionNetwork, Les “pingti”, nouvelle menace pesant sur le luxe en Chine (Les "pingti", nouvelle menace pesant sur le luxe en Chine - FashionNetwork France) (Les "pingti", nouvelle menace pesant sur le luxe en Chine - FashionNetwork France); TF1 Info (Vérif’) (VÉRIF' - Des produits de luxe en réalité "made in China" ? Ce que l'on sait du "grand déballage" qui envahit TikTok | TF1 INFO) (VÉRIF' - Des produits de luxe en réalité "made in China" ? Ce que l'on sait du "grand déballage" qui envahit TikTok | TF1 INFO); Glitz Paris (actualité procès Lacoste vs Shein) (France : Lacoste sues Shein in Paris court - 06/02/2025 - Glitz), etc. Toutes les citations sont référencées dans le texte.